Un groupe de travail sur l'évolution de l'entretien professionnel s'est tenu le 19 octobre 2022. Le sujet portait plus précisément sur le déploiement de l'application ESTEVE qui remplacera EDEN-RH dès la prochaine campagne d'évaluation professionnelle.
Liminaire
Nous ne pouvons commencer ce GT sans parler du contexte social actuel. Les justes revendications des salarié·es du privé comme du public notamment sur une augmentation de salaire compte tenu de l’inflation doivent être entendues et suivies d’effet. Le gouvernement ne veut rien céder. Les entreprises du CAC40 très peu au regard de leurs supers profits. Pire encore le gouvernement va passer en force son projet de loi de finances sans même conserver l’amendement qui a été voté pour la taxation des superprofits, quel déni de démocratie !
Pour Solidaires Finances Publiques il y a vraiment urgence à revaloriser toutes les rémunérations des agents de la DGFiP !
Solidaires Finances Publiques n’a eu de cesse de dénoncer l’entretien professionnel instauré par le décret n°2010-888 du 28 juillet 2010 et ce depuis sa mise en place.
Il est nécessaire de rappeler que l’évaluation individuelle n’entre pas dans les valeurs du service public : un dispositif de nature contractuelle est par définition contraire à la neutralité à laquelle sont astreints les fonctionnaires, contraire à l’égalité des citoyennes devant l’application de la législation et à un déroulement statutaire des actes de gestion.
Pour autant, le gouvernement, à travers sa loi de transformation de la Fonction publique, veut faire de l'évaluation professionnelle la pierre angulaire de la carrière des agent·es.
La mise en place des lignes directrices de gestion renforce le poids de l'évaluation professionnelle.
A titre d’exemple, le durcissement des conditions de promotion par tableau d’avancement en accroissant le niveau d’exigence du tableau synoptique pour être promu.
L’entretien, un dialogue tronqué :
- dès lors que ni l’évaluateur ni l’évalué ne disposent d’une quelconque autonomie sur les charges et les moyens, la fixation d‘objectifs se réduit à des considérations secondaires au cœur des métiers et l’évaluation des résultats à des données subjectives,
- quand parle-t-on du travail réel, de l’organisation du travail, des questions concrètes? Certainement pas dans le cadre de l’évaluation individuelle. Les appréciations subjectives qui exacerbent les questions comportementales, le profil croix qui devient l’arme absolue de la pression managériale dans le cadre des promotions par tableau d’avancement, c’est plus que jamais l’arbitraire qui trouve sa place dans l’évaluation individuelle.
Solidaires Finances Publiques exige un véritable dialogue professionnel axé sur le rythme des missions dans le cadre des collectifs de travail, sans aucune incidence en termes de gestion des ressources.
Solidaires Finances Publiques revendique la mise en place d’un entretien annuel collectif en remplacement de l’entretien individuel.
Solidaires Finances Publiques réaffirme :
-son refus de toute forme de contractualisation des fonctions,
- son attachement à ce que les agent·es aient des éléments de repère au regard de leurs acquis professionnels et ce durant toute leur carrière,- une linéarité de carrière sans obstacles.
Ce dernier point nous conduit à évoquer le tableau synoptique et les appréciations en lien avec les acquis de l’expérience professionnelle. Pour Solidaires Finances Publiques, le tableau synoptique doit permettre aux agentes et aux agents d’avoir tout au long de leur carrière une vision synthétique, objective et précise de leur valeur professionnelle.
Nous avons à nouveau pu constater lors de la dernière campagne que encore trop de profils croix sont en décalage avec la réalité des connaissances et des compétences de ceux-ci.
Par ailleurs, les restructurations et réorganisations de services subies par les personnels ne doivent pas conduire à une régression de leur évaluation professionnelle qui de fait pénaliserait leur déroulé de carrière.
Notre opposition au décret du 28 juillet 2010 modifié repose également sur la mise en œuvre du recours hiérarchique obligatoire. Pour Solidaires Finances Publiques, ce processus n’apporte rien de plus aux agentes et aux agents. Il est davantage utilisé comme un levier dissuasif par rapport à une saisine de la CAP que comme un outil d’amélioration du dialogue professionnel. Pour nous, il ne peut pas constituer un recours de premier niveau.
Solidaires Finances Publiques exige la suppression du recours hiérarchique. Ce système est lourd et chronophage, ne renforce nullement les droits des agent·es.
S’agissant de ce groupe de travail en particulier, qui traite de l’évolution de l’entretien professionnel structuré par le déploiement de l’application Esteve, encore une fois nous constatons que c’est l’arrivée d’un nouvel applicatif qui entraîne la transformation d’une procédure.
Une fois de plus nous ne pouvons que constater l’absence d’autonomie décisionnaire de la DGFiP qui se retrouve pieds et poings liés par les décisions de la DGAFP.
Solidaires finances publiques ne peut que regretter la pauvreté des documents soumis ce jour à examen.
Sans rentrer dans le détail des discussions à ce stade, nous avons ciblé certains points dans les fiches qui nécessitent débat : il s’agit du sujet de la mesure PPCR dans le cadre des perspectives d’accès au grade supérieur, de la notion d’objectifs collectifs et d'échéance, notamment.
Enfin Solidaires Finances Publiques demande la présentation de l’application et des évolutions prévues lors d’une prochaine séance. Il est pour nous impératif de voir l’outil qui sera déployé.
Compte-rendu
L’administration nous a d’abord refait son laïus sur tout le bien qu’elle pense de l’outil « compte-rendu d’évaluation professionnelle « CREP », outil de transparence entre la hiérarchie directe et l’agente ou l’agent. Ce CREP permet de savoir comment le travail de l’agente ou l’agent est apprécié avec une formulation aussi objective que possible ce qui permet à l’agent de savoir où il en est !
L’administration n’étant pas avare de propos, nous avons aussi entendu que l’évaluation n’est pas l’alpha et l’omega de toute la carrière d’un agent·e, il s’agit juste d’un outil précis sur le travail de l’agent·e servant à un recruteur pour le sélectionner. Nous vous laissons apprécier la contradiction.
L’objet de ce GT était la présentation de l’application ESTEVE qui va remplacer EDEN-RH dès la campagne d’évaluation de 2023. Cette application est un outil inter-ministériel développé par le CISIRH (Centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines), qui sera accessible aux personnels en situation de handicap visuel… mais plus tard. L’accessibilité n’a pas été prévue pour la version initiale de l’application mais le sera dans une version future, l’art qu’à l’administration de faciliter les conditions de travail des personnels tout en faisant des économies...ou pas !
Cet outil est structurant et entraîne des modifications non négligeables de la procédure. Solidaires Finances Publiques a fait remarquer qu’une fois encore c’est un outil informatique qui détermine notre manière de fonctionner alors que ce devrait être l’inverse. L’administration nous l’a confirmé, la DGFiP n’a pas la main sur un certain nombre d’éléments et a dû faire évoluer le process en fonction de ses contraintes.
Pour les agentes et agents évalués
Les évalués auront donc accès à ESTEVE dès la prochaine campagne d’évaluation pour voir le CREP et les différentes étapes de la validation millésime 2023. Eden-RH est appelée à disparaître à plus ou moins brève échéance. L’historique des CREP sera disponible via le module GauDdi, de SIRHIUS dans le DIA (Dossier Individuel Administratif de l’agent).
Pour les contractuels, étant donné que leurs CREP actuellement sont au format papier, il n’y aura pas de reprise de cet historique dans ESTEVE.
Pour la catégorie B et C et concernant l’aptitude à exercer dans le corps supérieur, dans le CREP version actuelle qui va disparaître, une cotation sur 3 niveaux avait récemment été introduite. Avec ESTEVE, l’administration part sur une logique binaire pour les aptitudes au grade supérieur : Oui ou non. Le binaire obligera les évaluateurs à expliquer et à apporter des éléments à l’évalué...
Pour la catégorie A, le tableau synoptique tel qu’on le connaît aujourd’hui va disparaître. Les éléments seront désormais détaillés de façon littérale. Pour l’administration, le tableau synoptique est réducteur, il lui a donc semblé important de favoriser le littéral pour le corps des A. Pourtant, quoi de plus réducteur qu’une appréciation littérale variant selon la capacité à écrire les choses d’un chef de service à l’autre ?? La carrière d’un agent dépendra de la qualité stylistique de son évaluateur, le règne de l’opacité va s’en trouver renforcé.
Dès l’origine, il faudra être vigilant sur la retranscription du tableau synoptique en formulation littérale qui devra être cohérente pour chaque item. Et pour chaque évaluation suivante avoir une attention particulière sur l’ensemble des formulations.
Par ailleurs, un nouveau tableau synoptique concernant les capacités d’encadrement va apparaître. Il sera en lien avec les attendus décrits dans le nouveau modèle managérial publié sur Ulysse début 2022. A priori, il sera servi quelque soit les fonctions du cadre qu’il soit ou non en position d’encadrement. Nous avons fait remarquer qu’un grand nombre de cadres A de la DGFiP n’est pas aujourd’hui en position d’encadrement avec par conséquent une difficulté à évaluer ces items.
Pour l’agent qui refuse de se rendre à l’entretien, rien ne change, il aura une fixation d’objectifs telle que fait jusqu’alors.
Concernant les recours, ceux-ci seront rédigés directement dans l’application.
En revanche, ESTEVE ne permettra pas de recueillir la réponse de l’autorité hiérarchique (AH), l’outil n’étant pas adapté à nos procédures...
ESTEVE permettra seulement de savoir si l’AH a fait une admission, une admission partielle ou un rejet sans connaître la réponse argumentée ni le contenu des modifications proposées. Cela est inadmissible dans la mesure où premièrement, l’agent qui exerce un recours doit le motiver lorsqu’il écrit à l’autorité hiérarchique, il est donc bien en droit de recevoir une réponse argumentée et motivée en retour. Deuxièmement, l’AH ne pourra pas elle-même modifier le CREP mais devra signifier les modifications à opérer par l’évaluateur de premier niveau seul habilité à modifier le CREP. Dés lors comment l’agent pourrait-il s’assurer du bon complètement du CREP n’étant pas destinataire de la réponse de l’autorité hiérarchique ?
L’administration sensible à nos arguments va donc réfléchir à cette question.
Les recours ne laisseront pas de trace dans ESTEVE à l’issue de la procédure, ne restera que le CREP modifié le cas échéant.
Pour les évaluatrices et évaluateurs
Une formation spécifique pour les évaluateurs sera mise en place en 2023 afin de replacer l’entretien professionnel à sa place et de donner à l’évaluateur les clés. C’est donc la copie idyllique que nous vend l’administration. Dès lors que l’on sait que cette formation se fera sur une demi-journée et vraisemblablement en e-formation, il y a fort à parier que les évaluateurs vont rester sur leur faim et surtout dans la difficulté face à cet exercice pas si simple en pratique.
Pour remplir l’item sur les formations envisagées, l’évaluateur retrouvera les catalogues Semaphore, Igpde, dans l’outil dès qu’il souhaitera proposer un agent à l’une d’entre elles. Cela permettra de faciliter la rédaction avec le nom exact des formations disponibles et à mettre en œuvre.
Quel ne fût pas notre étonnement de voir évoqué dans les fiches le Compte Personnel de Formation (CPF). Nous avons indiqué que pour nous il n’y avait pas lieu sachant que la formation professionnelle continue ne relève pas du CPF. Y aurait-il une volonté de pousser les agents vers la sortie, puisque le CPF permet de suivre des formations en dehors du périmètre purement professionnel ? L’administration s’en est défendue. Il sera donc désormais prévu une discussion large sur la formation qui pourra aller vers des formations financées au moyen du CPF et pour lequel l’évaluateur devra disposer d’un minimum de connaissances.
Concernant l’autorité hiérarchique (AH), d’après la circulaire elle est bien le N+1 du N+1 de l’agent évalué,le N+1 étant le supérieur hiérarchique direct (SHD). Or, la désignation de l’AH est modifiée. Avec ESTEVE si le process est validé, il est proposé que l’évaluateur soit le SHD et que de ce fait l’autorité hiérarchique puisse être le chef de service. Une question se pose, comment un chef de service remettrait-il en cause le jugement de son adjoint ? Il se pose donc un problème de distanciation entre l’évaluateur et l’autorité hiérarchique , qui n’existait pas auparavant.
Nous avons fermement dénoncé cette mesure qui introduit autant d’AH qu’il y a de services et génère un transfert vers l’encadrement de proximité des missions d’AH jusqu’alors exercées majoritairement par les responsables de pôle des directions locales.
Certes comme le souligne l’administration, l’AH dans le système actuel ne connaissait pas forcément directement l’agent évalué mais de notre point de vue cela permettait une meilleure égalité de traitement des recours avec une hauteur de vue nécessaire dans ce type de procédure.
Pour tout le monde
ESTEVE sera accessible via le portail applicatif comme toute application web.
Dans le CREP rénové, une case à cocher sera à disposition des agentes et des agents qui souhaiteraient avoir contact avec le CMC (conseiller mobilité carrière pour les A) ou le service RH local (pour les B et C). L’idée de l’administration est de promouvoir cet accompagnement. Toutefois, même si la case est cochée le rendez-vous ne sera pas automatique ni obligatoire.
Pour conclure, compte tenu de la modification importante de la procédure d’évaluation professionnelle induite par ESTEVE, Solidaires Finances Publiques a demandé l’inscription de ce sujet pour vote à un prochain CTR (Comité Technique de Réseau), demande qui a été suivie par les OS présentes. Nous attendons désormais la réponse définitive de l’administration qui nous a répondu « pourquoi pas ? » quand nous avons réitéré la demande lors du CTR du 25 octobre.